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ROYAUME ATLANTIDE

Le royaume englouti d’Atlantide existe. Il se dissimule aux yeux de ceux qui vivent à la surface depuis des milliers d’années.

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Le royaume englouti d’Atlantide existe. Il se dissimule aux yeux de ceux qui vivent à la surface depuis des milliers d’années. Comment je le sais ? C’est que je suis une Atlante. Ma venue au monde a été tenue secrète et je me cache sur terre, espérant ne jamais être découverte par mon peuple sous peine d’être tuée. Ma protectrice et moi avons réussi à vivre ainsi cachées les 18 premières années de ma vie, déménageant constamment sur tout le continent américain. Mais c'est sur le point de changer. Ils m’ont retrouvée.

une cité légendaire - des sirènes - des prêtresses dotées de magie.

 

Sirènes, Prêtresses et guerriers (Royaume Atlantide, T1)

CHAPITRE OFFERT

 

 

PRELUDE

Une sphère métallique pas plus grosse qu’un poing survole une plage bondée en ce mois de juin. Sa grande vitesse empêche la plupart des gens de la repérer lorsqu’elle passe au-dessus d’eux, puis lorsqu’elle s’éloigne pour survoler l’eau. Elle file en direction du large, planant à deux mètres au-dessus de l’océan. Elle accélère pour parcourir des milliers de kilomètres en quelques minutes. Brusquement, la sphère plonge vers l’océan, entamant sa descente vers les profondeurs. Sa trajectoire ne dévie pas ; elle sait exactement où elle se rend. Elle se retrouve plongée dans l’obscurité totale qui règne dans ce milieu marin. En réponse, elle se met à luire jusqu’à devenir une boule de lumière qui fuse et disperse les bancs de poissons qu’elle croise. La pression n’a de cesse de croître sans que ça altère l’intégrité de la sphère. Elle atteint le palier des 4 000 mètres de profondeur et descend encore. Elle passe au-dessus d’une chaîne de montagnes sous-marine et survole ensuite une immense plaine abyssale. Rien ne laisse présager ce qui se trouve au centre de cette plaine. Au moment où la sphère pénètre le dôme d’énergie, elle s’éteint. Sa surface métallique se met à réfléchir la lumière de la ville dans laquelle elle vient d’entrer, devenant ainsi invisible.

Le dôme d’énergie, s’il ne retient pas l’eau à l’extérieur, est une barrière à la pression incommensurable qui s’exerce à cette profondeur. 

La ville, très vaste, est constituée de trois anneaux concentriques que d’immenses ponts en pierre relient encore. Cela fait bien longtemps que les habitants de cette ville n’ont plus besoin de cela pour se rendre d’une bande de terre à une autre ; elles sont entrecoupées de canaux. Reste que des dizaines de tours plus ou moins hautes se dressent sur ces anneaux, ce qui donne un plan tout particulier à cette cité. Cela et l’édifice se trouvant en son centre. Ce n’est pas une tour, mais une pyramide, immense, écrasante de prestance. Le plus étonnant se passe au niveau de la pointe de l’édifice. Elle projette à la verticale une colonne de lumière qui, tel un phare, éclaire cette partie toute particulière du fond de l’océan sur une cinquantaine de kilomètres à la ronde. Cette lumière qui touche le dôme en son centre et qui se propage par vagues lumineuses sur sa surface donne un aspect irréel, certes beau, mais loin d’égaler toutes les nuances du ciel à la surface.

La sphère slalome entre les tours, évitant de trop se rapprocher des habitants qui nagent là, leur longue queue battant puissamment l’eau. Elle passe au-dessus d’un bâtiment immense, une ferme de laquelle se diffuse un halo violet fantasmagorique. Elle survole le premier anneau, puis le second. Elle se dirige vers le centre de la cité, dépasse la pyramide. Elle arrive à destination. N’ayant eu de cesse de ralentir, la sphère vient se placer entre deux personnes. Elles font partie d’un cortège de gens qui s’apprêtent à faire leur entrée dans le plus ancien bâtiment de cette cité : le palais. Ancré sur le fond marin, il serait écrasé par la présence de toutes les tours qui l’encerclent s’il n’était pas si imposant du fait de sa taille. Il y a aussi le fait que son toit est constitué de cinq dômes, dont le plus grand est au centre des quatre autres. Une autre particularité distingue le palais de la plupart des autres édifices de la ville sous-marine : il est bâti en pierre et donc tangible alors que les parois des tours, elles, ne sont faites que d’énergie permettant de retenir l’eau à l’extérieur. Des sas à chaque étage et sur chaque face des bâtiments permettent d’y entrer. Pour cet édifice, il n’existe qu’une seule entrée permettant d’accueillir les visiteurs. Ces derniers remontent une longue allée dallée et délimitée par deux rangées de colonnades. L’un des monuments les plus spectaculaires de cette cité grandiose est la statue du dieu Poséidon, ouvrant l’accès au palais. Taillée dans un seul bloc de marbre de dix mètres de haut sur six mètres de large, la divinité assise sur son trône semble juger les visiteurs de son regard baissé sur eux. Le dieu tient fermement dans sa main droite son trident, planté dans le sol à côté de lui, sa fourche à trois pointes dirigée vers l’océan qui domine la cité. Un bouclier d’énergie habille la statue et le palais comme une seconde peau pour les protéger des effets de l’eau et du temps.

 Comme la délégation, qui arrive à ce moment, la sphère entre dans le passage taillé dans le bloc qui représente le trône de la divinité. Depuis le corridor, il est possible de voir l’intérieur du palais. La pièce est circulaire et immense. Le dôme qui la surplombe est soutenu par des dizaines de statues de dix mètres de haut qui cerclent la pièce. Il diffuse sa propre lumière, qui se reflète sur le sol de marbre lorsque la salle est vide, ce qui n’est pas le cas à cet instant. La pièce est bondée. L’air bruisse de dizaines de voix, fruit de discussions animées. La délégation, que suit encore la sphère, fait une entrée remarquée ; il en est toujours ainsi lorsque l’enchanteresse sort de son temple. À la tête de la colonne faite de deux lignes de prêtresses, elle s’avance, battant l’eau de sa queue de poisson d’un noir scintillant jusqu’à atteindre la barrière d’énergie à l’entrée du palais. Puis sa queue se déplie en pans de tissu qui retombent le long de deux jambes fuselées. S’élèvent alors les claquements sur le dallage des talons de ses bottes ainsi que celles de ses suivantes. Leur queue, permettant le déplacement dans l’eau, s’est également déployée en jupes vaporeuses qui virevoltent au gré de leurs pas chaloupés. Les claquements synchronisés de talons des vingt et une arrivantes ne passent pas inaperçus dans le silence qui est brusquement tombé sur l’assemblée. Les bottes de l’enchanteresse montent jusqu’aux genoux et sont faites dans le même tissu noir scintillant que le bas de sa robe. Les cuisses sont exposées à la vue de tous, le tissu étant fendu des deux côtés jusqu’aux hanches. La ceinture qui contrôle la tenue est incrustée dans le corset fait de fines lames métalliques verticales accolées les unes aux autres. Ce corset également noir couvre l’entièreté de son buste et de son dos. Ses bracelets de bras sont en orichalque, alliage réservé au roi, à sa première garde et à l’enchanteresse. Ce métal ne peut être trouvé que dans cette ville, et pour cause ! Il a été créé par ses habitants il y a une dizaine de milliers d’années de cela, lorsque la cité se trouvait encore à la surface. Il recèle bien des avantages, comme d’être impénétrable. Malheureusement, depuis l’engloutissement de la cité, il ne peut plus être fabriqué. Ce qui reste de ces bracelets, armures, armes et autres objets en orichalque se transmet de roi en roi, d’enchanteresse à enchanteresse, de garde en garde.

 Les bracelets des suivantes de l’actuelle enchanteresse sont en argent, elles portent une tenue identique à celle de l’enchanteresse et de même couleur : le noir. Celle-ci leur est réservée, donnant plus de contraste à cette masse sombre qui fend une foule colorée pour s’avancer vers le centre de la pièce. Ce n’est pas que la couleur noire qui distingue l’enchanteresse et ses suivantes de la masse. Leur tête est entièrement rasée. Seul le regard de l’enchanteresse est accentué par des sourcils bruns, les autres ont également leurs sourcils rasés. Elles sont toutes très belles, car tout le monde sait que la beauté est l’un des critères de sélection pour le choix par l’enchanteresse de ses prêtresses ; cela et la magie dont elles auraient hérité.

La foule s’est amassée, laissant un passage libre entre l’entrée et le trône. L’enchanteresse n’a de cesse de frapper l’extrémité de son sceptre sur le dallage au gré de ses pas. Le sceptre est très long, doré, et sa pointe a la forme d’un croissant de lune. L’enchanteresse, qui ne regarde personne, a ses lèvres peintes en noir, s’étirant en un discret sourire lorsqu’elle arrive au niveau de la plateforme circulaire sur laquelle se tient le trône. Le roi, qui essaie pourtant de s’y tenir droit, reste quelque peu avachi. Elle remarque également avec satisfaction que les traits de son visage sont tirés. Ses cheveux, autrefois d’un blond éclatant, sont à présent ternes et filasse. Il n’a pas encore 60 ans et pourtant il paraît affaibli. Fait étrange pour une personne qui peut vivre jusqu’à 150 ans. Lui, qui était connu pour sa force physique autant que morale, s’est peu à peu délité de sa musculature et de sa vivacité d’esprit pour n’être plus que l’ombre de lui-même. C’est la raison pour laquelle ces derniers mois il n’apparaît qu’en de rares occasions à la cour. Son peuple peut voir à cet instant ce qu’il est devenu, mais il doit tenir son rôle. L’enchanteresse lui a demandé audience, et il est rare qu’elle le fasse. Cela ne peut qu’être important, d’où la présence d’un grand nombre de gens. Ses gardes ont limité l’entrée pour éviter qu’ils ne soient trop nombreux. Si l’enchanteresse et ses suivantes portent le noir, le roi, lui, est vêtu uniquement de vêtements cousus de fil d’or. Ainsi, même si la tunique longue qu’il porte se veut simple, le tissu riche dont elle est faite lui apporte une aura de pouvoir. Sur sa tête, une couronne fine en orichalque dont les reflets dorés étincellent. Le roi s’apprête à prendre la parole pour demander à l’enchanteresse la raison de sa venue lorsque celle-ci tourne la tête.

Quelqu’un vient de se racler la gorge, sans doute avec l’intention de s’exprimer. L’enchanteresse détourne pour la première fois son attention du roi pour regarder sur sa gauche. De part et d’autre du trône imposant par sa taille et le fait qu’il soit en or, se trouvent en demi-cercle dix autres sièges taillés eux dans la pierre. Se tient ainsi devant elle un représentant des dix grandes familles originelles. Hommes et femmes sont vêtus d’un bleu soutenu, couleur qui est réservée au Grand Conseil. Parmi ces membres se trouve un parent du roi lui-même, son frère Agénor. Il représente leur famille. C’est vers lui que le souverain et l’enchanteresse se sont tournés. Agénor semble furieux, mais il ne dit rien, même lorsque le sourire de l’enchanteresse s’accentue. Et le temps s’étire. Des brouhahas s’élèvent dans la salle, on commente ce qui se passe. Tous se demandent pourquoi l’enchanteresse est venue. Les murmures cessent brusquement lorsqu’elle accorde à nouveau son attention au roi. Le souverain se redresse, puis sa voix profonde s’élève :

— Enchanteresse.

— Mon Roi, réplique-t-elle si vite que cela donne l’impression qu’elle vient de couper la parole au roi.

Et au lieu de continuer, elle se tient muette. De ce fait, le roi lui demande :

— Pour quelle raison souhaitiez-vous nous voir ?

Dans ce « nous », il englobe sa personne et les représentants des dix grandes familles. Ces derniers avaient grandement apprécié que le monarque ait, dès le début de son règne douze ans plus tôt, réintégré au premier plan les grandes familles. Son père, le précédent roi, les avait peu à peu évincées. À la fin de sa vie, il avait fini par régner sans partage sur la cité, causant bien des injustices et mésalliances.

— Cela concerne le dôme de notre précieuse cité.

— Un problème ? s’enquiert immédiatement le roi en se redressant, plus alerte.

— Bien au contraire, sourit l’enchanteresse. Vous souvenez-vous de la mission que vous m’aviez confiée il y a quelques années de cela ?

Agénor serre avec plus de force les accoudoirs de son siège. L’enchanteresse torture ni plus ni moins son frère en étant si vague. Le plus grave est que tout le monde peut voir le roi tenter de se souvenir à quoi l’enchanteresse vient de faire allusion. Le voir incapable de se le rappeler fait souffrir Agénor ainsi que le peuple, qui aime profondément son roi. Agénor s’apprête à intervenir pour aider son frère en lui disant à quoi l’enchanteresse fait référence, mais elle le devance :

— Je parle d’augmenter l’efficacité du sort qui permet de créer de l’énergie avec l’eau.

Agénor lance mentalement mille insultes à cette femme qui ose parler au roi comme à un enfant.

— Ah oui ! lance le souverain, bien trop soulagé de se souvenir pour ne serait-ce que comprendre ce qu’il se passe vraiment. Et vous avez réussi ?

— En effet, sourit l’enchanteresse avant de se tourner vers le peuple pour s’adresser directement à lui. Je peux vous certifier que tant que je vivrai, nous ne risquerons plus de subir les conséquences d’une baisse du bouclier qui nous protège du monde extérieur.

 Un frisson parcourt la foule. Aucune des personnes présentes n’a connu les baisses d’énergie du bouclier et le risque qui les accompagnait de voir leur cité être écrasée par la force de l’océan lui-même. Ces temps pourtant anciens où la cité ne comptait pas d’enchanteresses suffisamment puissantes pour protéger la cité avaient tellement traumatisé les habitants que cette peur-là s’était transmise de génération en génération. Tous redoutent que le dôme faiblisse à nouveau et qu’une partie de la cité soit détruite. Des milliers des leurs perdraient la vie. Ainsi, que l’enchanteresse leur certifie qu’ils n’auront plus à craindre l’éventualité que le bouclier faiblisse procure un soulagement dans le cœur de chaque personne présente, y compris dans celui d’Agénor. S’il hait l’enchanteresse, il sait également qu’elle est l’un des plus puissants mages qui aient existé.

— Mon roi, lance l’enchanteresse en guise de salut une fois qu’elle s’est tournée vers le monarque.

Elle baisse la tête, puis se retourne pour descendre les marches, lentement, son sceptre frappant à nouveau le sol. Elle passe entre ses vingt prêtresses, qui s’étaient alignées de part et d’autre puis, et comme à son habitude prend la tête du cortège en se dirigeant droit vers la sortie. Sans attendre, le roi quitte son trône, faisant tout pour masquer son affaiblissement pourtant manifeste. Agénor, qui l’observe, a des suspicions quant à la dégradation physique de son frère. Leurs meilleurs médecins l’ont ausculté et ont émis différentes causes plausibles, mais pour Agénor, il soupçonne l’enchanteresse en personne de causer le mal qui ronge son roi et frère aîné. Elle doit agir à distance en usant de magie, mais comment l’arrêter, ou ne serait-ce que prouver que c’est bien elle ?

Agénor avise brièvement la présence de son fils dans la salle avant que celui-ci ne se fonde dans la foule. Il a donc assisté à cette scène. Bien. Ils vont pouvoir se parler sans qu’il ait à lui détailler ce qu’il vient de se passer.

Ce n’est qu’un moment plus tard qu’Agénor est rejoint par son fils. Dans ses appartements, au sommet de l’une des tours d’habitation proche du palais, Agénor se tient devant la paroi d’énergie, qui offre une vue plongeante sur leur cité. Il aime pouvoir passer du temps à admirer cette vue, surtout lorsqu’il est soucieux – et il l’est grandement –, mais s’en détourne pour faire face à son fils, qui sort de l’ombre. Si le père porte sa tenue bleue de conseiller, Andenor, lui, est immédiatement reconnaissable comme un membre de la première garde. Des bottes montantes avec des plaques d’orichalques protégeant pieds, tibias et genoux. Les pans de tissu doré, qui glissent jusqu’au sol sur le devant et les côtés, cachent à peine ses cuisses musclées. Le plus imposant demeure le plastron qui couvre son large poitrail, lui aussi fait en orichalque. Ses avant-bras sont également protégés par des brassards faits dans l’alliage précieux aux reflets dorés. Même s’il portait une cape, il serait difficile de dissimuler la haute fonction qu’occupe Andenor du fait de sa coiffure. Le crâne est entièrement rasé, à l’exception du sommet, d’où part une longue et lourde tresse châtain clair qui descend jusqu’au milieu du dos. Agénor s’apprête à prendre la parole lorsque son fils tend une main. Une sphère métallique se trouve au creux de sa paume.

— Nous l’avons trouvée.

— Elle existe donc vraiment ? s’étonne Agénor en s’avançant vers son fils et la sphère.

— Elle existe vraiment, lui certifie Andenor.

Son père vient le saisir par les mains, non pour récupérer la sphère et la lire, mais pour s’accrocher à lui avec tant de force, tant de peur, mais aussi d’espoir.

— Il faut que tu la retrouves, Andenor, lance son père d’une voix ténue. Tout était vrai. L’enchanteresse. C’est elle qui est responsable, j’en suis à présent certain. Elle tue à petit feu mon frère. Il faut la trouver pour sauver notre roi, pour sauver notre cité d’Atlantide.

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